salle 5

ça y est. il est entré en maternelle. j’ai imaginé, attendu, redouté ce moment depuis trois ans. quand ils sont encore des bébés que l’on serre contre nous pour apaiser leurs pleurs, c’est difficile de les imaginer un cartable sur le dos, leur main collante dans la nôtre sur le trajet de l’école. bon d’accord, il n’a pas de cartable et ses mains ont été lavées avant de partir de la maison. d’ailleurs il est tellement sensible qu’il ne supporte pas d’avoir les mains un tant soit peu sales, dès qu’on sort il me demande toujours « tu as pris les lingettes maman? ». mais revenons en à l’école. ça arrive vite, trois ans passés en un clignement de paupières. en juillet, les adieux à la crèche se sont faits dans la hâte à cause d’un contexte compliqué dans notre vie personnelle, et ont laissé peu de place à l’émotion. puis l’été a filé. Plus l’échéance approchait plus j’avais l’impression qu’on ne l’avait pas préparé comme il faut, pas assez, pas correctement. pris dans le tourbillon de ses problèmes de santé, de ses crises d’affirmation, de l’arrivée de sa soeur, de notre besoin de trouver un rythme à quatre, nous nous sommes contentés de lire deux ou trois fois Tchoupi va à l’école sans plus de cérémonie.

est-ce lui que l’on n’a pas assez préparés, ou nous (moi)? quand il parlait de l’école j’avais juste envie de le serrer fort dans mes bras car c’était impossible de lui expliquer que la rentrée des classes marque l’arrivée dans la tornade infinie de l’existence; on commence l’école, puis on fait peut-être des études, puis on entre dans la vie active sans jamais plus s’arrêter. la parenthèse hors du temps de sa petite enfance se referme un peu plus chaque matin lorsqu’il me réclame « un dernier bisou, un dernier câlin » en retenant ses larmes devant la porte de la salle 5.

dans mes projections, quand j’imaginais ce premier jour, j’avais la gorge nouée par l’émotion et des pleurs au bout des cils. dans la réalité j’ai été émue, mais rien qu’un peu. je l’ai observé avec tendresse découvrir sa classe, son dortoir, courir partout entre l’excitation et l’appréhension. je me sentais déjà de trop, un peu encombrante dans cette espace où je n’ai pas ma place. alors je lui ai dit « je vais y aller, d’accord ? » et je suis partie, sans me retourner. un peu contente d’avoir du temps rien qu’à moi, un peu honteuse de ne pas être plus bouleversée que ça. j’ai bien conscience que c’est une grande étape, mais finalement quand je le regarde je comprends bien qu’ainsi va la vie. c’est un enfant de trois ans et demi et le monde ne s’arrête pas dans mes bras. fort heureusement pour lui.

ce qui est fou c’est que j’ai parfois l’impression de ne pas réaliser que je suis mère. il y a une partie de mon cerveau qui a dû mal à intégrer que cet enfant là, c’est le mien. je suis toujours un peu effrayée de l’intensité avec laquelle il m’appelle dans ses chagrins, de son besoin violent de me toucher, se coller à moi, sentir ma peau contre la sienne. le soir quand je vais l’embrasser avant qu’il ne s’endorme, il lève sa main dans l’obscurité pour me caresser les cheveux. la tendresse qu’il y a dans ce geste n’existe nulle part ailleurs. je la retiens dans mon cœur, j’aimerais que nos « bonne nuit » soient comme ça pour toujours. je sais bien que ça ne sera pas le cas, car ça y est mon garçon va à l’école et je ne peux plus retenir le temps même dans la plus désespérée des étreintes.

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