depuis la naissance de mon deuxième enfant j’ai souvent l’impression d’évoluer dans un monde parallèle. j’ai beau savoir qu’un post-partum ne fait pas l’autre la différence est tellement énorme entre le premier et celui-ci que j’ai la sensation de vivre dans une version distordue de la réalité.
J’avais beaucoup lu que le passage d’un à deux enfants pouvait être rude car on n’avait soudainement plus aucun moment de répit. Par bien des côtés, c’est vrai. Mais étrangement je trouve que dans notre famille l’équilibre a été jusqu’ici plus facile à trouver à quatre qu’il ne l’avait été à trois. Je ne comprends pas vraiment comment, mais c’est pourtant la réalité: je dispose de plus de temps aujourd’hui que je n’en avais avec uniquement un enfant à gérer. Lorsque j’écris ces mots il est bientôt quatorze heures et depuis ce matin j’ai eu le temps de me laver les cheveux, de nourrir plusieurs fois ma fille, de jouer avec mon fils, de m’avancer dans la préparation d’au moins deux repas, de nettoyer la cuisine et de lessiver le sol. Je suis actuellement en train de boire mon thé – chaud (ok c’est pas un thé mais un matcha latte, je suis un cliché). Je ne suis pourtant pas quelqu’un qu’on pourrait qualifier d’organisée – loin de là, je suis plutôt du genre à me laisser vivre et à faire les choses au feeling.
Alors bien sûr la différence majeure entre ce post-partum et le précédent, c’est que je ne suis pas en dépression. ça aide. mon mari me dit que j’ai plus tendance à lâcher prise – comprendre ici que j’accepte plus facilement de lui déléguer certaines choses, notamment l’endormissement de notre bébée. il m’arrive aussi de sortir avec la petite dans la poussette parce que j’ai besoin de prendre l’air. elle n’aime pas être en poussette et y pleure souvent. avec mon aîné ça me paniquait, dès qu’il commençait à pleurer et je rentrais immédiatement, parfois moi-même en larmes quand le trajet était un peu long et qu’il hurlait hurlait hurlait. avec elle j’ai décidé de me faire passer parfois avant car je sais que ma santé mentale vacillerait si je restais cloîtrée à la maison. alors quand elle se met à pleurer je mets mes écouteurs pour ne pas l’entendre, et je fais ma promenade. bien sûr je ne reste pas des heures dehors, et je lui parle régulièrement pour la rassurer. mais je ne peux pas m’empêcher de vivre à cause d’elle, car je vis déjà un peu pour elle.
j’avais tellement besoin de me prouver des choses après la naissance de mon premier que j’étais incapable de le quitter des yeux ou de le laisser pleurer deux minutes. je crois que j’avais besoin de me prouver que j’étais une mère. c’est peut-être ça, la différence avec l’enfant d’après. tu es déjà mère quand tu l’accueilles, la seule chose qu’il te reste c’est d’apprendre à le connaître, toi tu sais déjà qui tu es.
si pour moi une adelphie c’est plus simple quand on est deux parents, c’est parce qu’avec un seul enfant on a toujours l’impression d’en faire plus que l’autre. c’est plus facile d’accumuler du ressenti envers celui ou celle qui se permet une grasse matinée ou de sortir un peu trop tard le soir. avec deux enfants il n’y a plus le choix, quand tu es avec l’un l’autre parent est avec le deuxième, et si par hasard l’un des parents gère les deux enfants c’est que l’autre est occupé à une autre tâche – la cuisine, le ménage, les courses… les choses s’équilibrent d’elles-mêmes: plus personne n’a de temps libre ou de grasse matinée et c’est ainsi. enfin chez nous en tout cas c’est ainsi, je sais bien que tout le monde n’a pas la chance que l’on a et qu’il arrive souvent dans les couples hétérosexuels que la femme porte bien plus sur ses épaules que son conjoint. sans parler des familles monoparentales. je suis bien consciente de notre privilège et j’en profite à fond.
bien sûr je reprends le travail très (trop) bientôt. et d’ailleurs avant ça mon mari reprend également et je vais être seule une semaine entière en journée avec les deux. dire que j’appréhende serait minimiser les choses, je n’ai vraiment aucune idée de comment je vais bien pouvoir m’en sortir. l’équilibre dont je suis si fière va être mis à rude épreuve. après ça, il va falloir tâtonner pour que notre vie de famille fonctionne avec un enfant à l’école dont il faudra préparer les repas du midi tous les jours – à cause de son allergie il n’a pas le droit de manger à la cantine – une bébée chez la nounou, deux parents qui travaillent à temps plein, et un déménagement à organiser. cette année ne va pas être de tout repos. dit autrement, on va en baver. mais j’ai hâte. le congé maternité, aussi chouette et doux qu’il est me semble être une parenthèse avant que la vie ne reprenne. et j’ai envie de le temps s’écoule de nouveau pour m’ancrer dans ma réalité : j’ai trente-cinq ans, un mari, deux enfants, et sûrement que le bonheur c’est un peu ça.
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