L’adelphité (de la racine ἀδελφ- en grec, qui a donné ἀδελφός, adelphós, « frère » et ἀδελφή, adelphḗ, « sœur ») est le lien de parenté qui unit les enfants nés des mêmes parents, sans distinction de genre. Sur le plan politique, le terme d’adelphité – adelphie – cherche à dépasser ceux de fraternité – fratrie – (jugé trop masculin, voire sexiste, et n’incluant pas toutes les personnes) et de sororité (mot également limité car n’englobant que les femmes). (source wiki)
à partir du moment où nous avons décidé de devenir parents, nous savions que nous voulions plus qu’un enfant. venant tous les deux d’une adelphie nombreuse, il nous tenait à cœur de recréer au sein de notre foyer le lien si particulier qui peut unir des frères et sœurs entre eux.
il y a pourtant tellement de raisons qui auraient pu nous pousser à ne pas agrandir la famille; ma dépression, nos finances, l’urgence climatique, les difficultés logistiques et la nécessité de déménager si deuxième bébé, la réticence à se replonger dans la petite enfance – l’aliénation que peut représenter la vie avec un nourrisson ce n’est pas rien – … et puis surtout, pendant très longtemps j’ai trouvé injuste pour mon aîné l’idée de lui imposer un frère ou une soeur qui lui volerait une partie de l’attention de ses parents. j’avais tellement à cœur de tout lui donner, j’en avais mal au ventre d’imaginer que je ne pourrais plus lui consacrer tout mon temps.
malgré tout après mon premier accouchement, malgré le traumatisme, il y a toujours eu une partie de moi qui appelait un autre bébé. une nouvelle grossesse. un besoin de réparation, de me prouver que ça pouvait être différent, que je pourrais y trouver un certain épanouissement. cette partie de moi je l’ai isolée dans un petit coin de ma tête pendant très longtemps. le temps d’avancer dans ma thérapie. le temps d’accepter que si nouveau bébé il y avait un jour, il ne fallait pas que j’attende de lui ou d’elle qu’elle me répare, c’était bien trop de poids à faire peser sur ses épaules qui n’avaient rien demandé. il fallait que j’arrive à combler mes fêlures seule.
un jour je me suis sentie prête.
j’ai eu cette envie viscérale. je suis tombée la tête la première dans cet univers parallèle où l’on décompte les jours de chaque cycle, on l’on prend sa température au quotidien pour tracer des courbes que l’on essaye d’interpréter, où l’on urine au petit matin les doigts fébriles sur des bâtons d’espoir.
j’ai eu de la chance de ne pas avoir à attendre longtemps. on l’attend avec toute notre âme et pourtant le jour où il arrive, le jour où le deuxième petit trait ne fait aucun doute c’est si vertigineux que ma première pensée a été « merde, qu’est-ce qu’on a fait ? ». j’ai serré mon fils dans mes bras et les larmes me sont montées, merde qu’est-ce qu’on lui a fait ? je me suis souvenue du témoignage d’une maman entendue dans un podcast, lorsqu’elle parlait de sa seconde grossesse elle disait « je me sentais triste pour ce bébé car pour moi c’était absolument impossible que je puisse l’aimer autant que j’aimais ma première fille ». je m’en suis voulue de ressentir la même chose.
quand ma grossesse s’est compliquée et que j’ai été hospitalisée, j’ai eu de la colère envers ce fœtus dans mon ventre. je ne lui en voulais pas de me rendre malade, ça c’était entre mon corps et moi. non, je lui en voulais car il était la raison pour laquelle j’étais dans un lit d’hôpital, éloignée de mon enfant, « le vrai », celui qui existait déjà dans mes bras et qui avait besoin de moi. pendant un moment, j’ai sérieusement envisagé de signer une décharge pour sortir contre l’avis des médecins. je pensais que la relation avec mon fils ne pourrait jamais se remettre de cette séparation si jamais je ne rentrais pas au plus vite. puis j’ai réfléchi, et j’ai changé d’avis. c’est à cet instant précis, enceinte de cinq mois dans une chambre d’hôpital que je suis devenue la mère de deux enfants. j’ai compris que si je rentrais maintenant, je mettais potentiellement en danger la vie de mon bébé à naître. mon bébé qui bougeait tant car il savait que j’avais besoin d’un rappel à la réalité : il était là, dans mon ventre palpitant. je savais que mon fils à la maison était triste de mon absence et ça me tordait le cœur. mais si je le choisissais lui, cela voulait dire que j’acceptais de potentiellement mettre en danger son/sa petit.e adelphe. j’ai pris la décision de rester et c’est ainsi que je suis devenue la mère de deux enfants, quand j’ai compris que pour toujours certains de mes choix feront passer l’un avant l’autre peu importe que j’en saigne.
maintenant que je suis mère d’une petite adelphie, l’amour s’est démultiplié mais il s’est aussi rationnalisé. c’est terrible de se dire que l’amour doit être rationnel mais il faut pourtant l’être, car je ne peux pas me couper en deux. la question qui rythme mes journées désormais est celle-ci : quand les deux réclament mon attention à un instant t, qui en a le plus besoin ?
j’ai lu qu’il était préférable de donner la priorité au plus grand car lui se souviendrait d’avoir été délaissé, contrairement au plus petit. mais on sait aussi que laisser pleurer un bébé peut abîmer son cerveau. je suis triste pour ma fille car elle n’aura jamais été l’unique centre de ma vie comme son frère a pu l’être. son frère qui me manque quand je réalise tout ce que je ne vis pas avec lui lorsque je suis occupée à nourrir ou endormir sa soeur. pourtant quand je suis avec lui ma patience me fait défaut comme quand je lui lis une histoire avant de le coucher, mais qu’il fait traîner les choses, il veut tout décortiquer. pourquoi est-ce que le loup est méchant et ça existe aussi les loups gentils, et parfois ils peuvent être un peu bête aussi, non ? mais tu veux que je te lise l’histoire ou pas ? tu n’entends pas ta soeur qui pleure, il faut que j’aille la voir après alors on se dépêche de finir, d’accord ? et tout de suite après, le regret parce que j’adore ce moment au fond, j’adore qu’il adore qu’on lui lise des histoires et qu’il se pose des questions et qu’il veuille tout savoir, tout comprendre. mais il y a sa soeur qui pleure derrière.
est-ce que vous me croyez si je vous dis que je tombe des nues parce que ça je ne l’avais pas anticipé. d’être toujours en manque de l’un quand je suis avec l’autre. j’ai l’impression d’être terriblement mauvaise à ce numéro d’équilibriste. je culpabilise en permanence. est-ce que l’on propose autant d’activités d’éveil à la petite par rapport à ce qu’on faisait avec son frère ? pourquoi je suis soulagée lorsqu’il part quelques jours en vacances chez ses grands-parents et que je suis seule avec ma bébée ?
nous avons profité de son absence pour réorganiser sa chambre, puisqu’il va devoir la partager pendant une petite année avant notre déménagement. ce sera à partir de maintenant « la chambre des enfants ». c’est fou de dire ça, « les enfants » je suis tombée enceinte il y a presque un an et je n’en reviens toujours pas d’être cette mère qui va dire « les enfants ».
certains jours je me dis encore « merde, qu’est-ce qu’on a fait ? ». j’ai l’impression qu’on n’arrivera jamais à s’en sortir. et puis mon fils s’approche en courant de sa soeur qui pleure et lui dit « ne pleure pas, je suis là, je suis là » avant de lui embrasser la tête. je ne sais pas ce qu’on a fait, mais cela valait le coup.

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