J’ai recommencé, mais c’est fini

et voilà, j’ai recommencé. je m’étais promis cette fois-ci de tout consigner, de tout garder en mémoire. pour lui, ou pour elle. mais comme à chaque fois que la peur me paralyse, j’ai arrêté d’écrire. la dernière entrée dans mon journal date du 20 septembre.

comme c’est loin, maintenant.

le stress insurmontable du premier trimestre. viable, pas viable ? est-ce que j’entendrai un cœur à la prochaine échographie ? prendre des rendez-vous pour des échographies, beaucoup plus souvent que nécessaire. comportement compulsif, décontraction affichée en dehors, panique en dedans. est-ce que si je prends un rendez-vous dans trois semaines, ce n’est pas présomptueux, est-ce que dans trois semaines tout ne sera pas déjà fini ? attendre et redouter le sang. le sang qu’on a appris à redouter, avant déjà quand je t’attendais et que mon cœur se serrait un peu plus chaque mois. l’idée du sang qui terrifie, maintenant que tu es là mais que rien ne semble définitif.

j’ai saigné. j’ai été terrifiée. j’ai attendu longtemps un verdict fatal, raide sur les chaises en plastiques des urgences. finalement ce n’était rien. de grave.

j’ai compté les jours. j’ai passé en retenant mon souffle le cap fatidique des sept semaines, celui où j’ai perdu la grossesse d’avant. le temps a passé. j’ai été malade. mon médecin m’a arrêtée et j’ai passé mes journées à dormir sur le canapé. épuisée. je culpabilise de ne plus avoir autant d’énergie pour celui que l’on appellera désormais l’aîné. la période qu’il traverse est pourtant tellement incroyable en ce moment que je voudrais ne pas en perdre une miette. il parle, il réfléchit, il discute et sa main cherche machinalement la mienne dans la rue. qui peut comprendre ce sentiment là, marcher en tenant les petits doigts de son enfant?

j’ai dû mal à me connecter à cette grossesse car j’ai tellement peur. c’est différent pour un deuxième bébé car on sait quelles promesses il peut nous apporter. malgré la peur, je crois que je profite plus. je suis enceinte. j’ai à la fois hâte d’accoucher et envie que le temps passe lentement. c’est la dernière fois. je ne veux rien oublier. je veux tout écrire. pour moi, pour toi. pour la vie.